mardi 19 juin 2012

2) La consultation est motivée par des anomalies du développement pubertaire.

- Dans ces cas, la morphologie génitale féminine apparaît non seulement normale, mais harmonieuse et, à l’âge habituel de la puberté, celle-ci a débuté par le développement mammaire. Mais si les seins acquièrent progressivement un volume satisfaisant tandis que la silhouette se féminise, aucun autre signe pubertaire n’apparaît : ni pilosité génitale, ni règles. (Aussi l’étude de toute aménorrhée primaire doit-elle comporter systématiquement l’étude du sexe chromatinien). Cette dissociation des signes pubertaires, en particulier le contraste entre des seins normaux et l’absence de pilosité pubienne, permet, par la seule clinique, de poser à peu près sûrement le diagnostic de “ testicules féminisants “ (dit encore “syndrome des femmes sans poils “), c’est-à-dire d’une forme très particulière de Pseudo-Hermaphrodisme Masculin, morphologie génitale externe féminine (image 1).


Pseudo-Hermaphrodisme Masculin, morphologie génitale externe féminine



La confirmation en est donnée par le sexe chromatinien masculin. L’examen clinique peut d’ailleurs permettre de sentir à la palpation des régions inguinales, des masses arrondies, élastiques qui sont en réalité des gonades ectopiques, et seule la constatation de ces singulières “ hernies “ pourrait faire évoquer le diagnostic avant la puberté et entraîner dès ce moment l’étude du sexe chromatinien. Parfois également on notera que, si le sein est bien développé, le mamelon est un peu atrésique, de même l’examen gynécologique (mais il est évidemment bien difficile) ne perçoit pas d’utérus, ni d’annexes. D’ailleurs l’injection de substance opaque par l’orifice vaginal montrera habituellement une cavité atrésique, parfois normale.

Enfin, à la laparotomie exploratrice, les voies génitales sont inexistantes ou réduites à un déférent rudimentaire. Parfois existe une ébauche de trompe, beaucoup plus exceptionnellement un utérus atrophique. Avant la puberté, l’histologie des gonades intra-abdominales (ou inguinales) ne diffère pas sensiblement de celle de testicules immatures normaux ; après la puberté le tissu interstitiel est abondamment développé, les tubes, par contre, sont en général réduits au tissu sertolien et à un épithélium indifférencié.


CONDUITE THÉRAPEUTIQUE. - L’aspect morphologique de ces sujets est absolument féminin, ils ont toujours été élevés comme des files, et c’est le plus souvent au moment de la puberté qu’on les examine pour la première fois. Dans ces conditions, aucune hésitation: il faut les conserver dans le sexe féminin, et même faire la plus grande attention à ne jeter aucun trouble dans l’esprit de l’enfant ou des parents. Mais doit-on pratiquer l’exérèse des testicules ectopiques ? Le seul argument en faveur de la castration est le danger de dégénérescence maligne. En fait, ce danger semble avoir été très exagéré, ne justifiant pas une castration systématique, d’autant que celle-ci est suivie de troubles fonctionnels ménopausiques sévères. Notre tendance serait donc de laisser en place les testicules. Une solution intermédiaire est celle proposée par M0RRIs qui conseille la castration une fois la puberté accomplie. Bien entendu, un traitement oestrogénique de remplacement est alors nécessaire.

Voici un exemple que nous avons récemment observé de ce syndrome de “ testicules féminisant “ chez une jeune fille âgée de 15 ans aussi, malgré le développement des seins, l’absence de pilosité pubienne n’avait pas paru anormale. C’est l’apparition d’une “masse” inguinale droite qui a mis sur la voie du diagnostic.

Cette jeune fille, actuellement âgée de 15 ans était suivie dans le service depuis l’âge de 8 ans 1/2 pour une obésité banale. Le développement des seins débute à 13 ans et se poursuit normalement avec cependant un mamelon peu saillant aucune pilosité pubienne n’apparaît, mais ce décalage n’inquiète pas. C’est à près de i ans que l’enfant elle-même remarque la présence d’une “ grosseur “ inguinale droite, et l’on évoque alors le diagnostic de “ testicule féminisant “ qui est affirmé par le sexe chromatinien masculin. La cavité vaginale est normale; à l’examen gynécologique, on ne perçoit ni utérus, ni annexes. L’intervention chirurgicale montre un utérus très hypoplasique. De sa corne droite part un organe ressemblant autant à un épididyme qu’à une trompe, qui rejoint la gonade inguinale. A gauche, la gonade est intra-inguinale, sans organe annexe différencié. A l’examen histologique ces deux gonades sont des testicules avec des tubes séminifères caractéristiques contenant des spermatogonies et, dans le tissu interstitiel, des cellules de LEYDIG.

En définitive, sous réserve d’une cavité vaginale bien développée, ces pseudo-hermaphrodites masculins auront une vie féminine normale, mais seront des femmes stériles et aménorrhéiques (des cas rapportés chez l’adulte n’ont été vus la première fois qu’à une consultation de stérilité).

PATHOGÉNIE. — Ces cas très singuliers, sont difficile à comprendre, d’autant qu’il faut tenir compte de leur incidence familiale élevée, ce qui suggère immédiatement l’idée d’une anomalie génétiquement déterminée. D’après GRUMBACH et BARR la transmission se ferait comme un caractère dominant lié ou limité au sexe, le mode d’action du gène pathologique restant inconnu. Quoi qu’il en soit l’aboutissement en est, sans doute, une insuffisance partielle du testicule foetal. La succession des faits serait donc la suivante pendant la vie intra-utérine, le sexe chromosomique étant masculin (t) la gonadogénèse s’est faite normalement dans le sens du testicule. La déficience testiculaire ultérieure n’étant que partielle, il ne persiste pas de résidus mullériens importants, quoique la différenciation gonophorique ne soit qu’incomplète et ambiguë. Cependant la morphologie périnéale sera entièrement féminine. De plus il faut expliquer la féminisation au moment de la puberté. Or la sécrétion testiculaire pubertaire est très variable : masculine normale dans notre observation et dans bien d’autres, sans augmentation des oestrogènes, ailleurs les androgènes et les oestrogènes sont à des taux féminins - bien mieux, dans une observation de WILKINs, les oestrogènes sont bien à des taux féminins, mais les androgènes (17 CS) sont également très élevés et cependant il n’y a pas de système pileux et l’administration percutanée ou per os d’androgènes à fortes doses ne détermine aucune masculinisation. Dans ces conditions, l’explication de WILKINs nous paraît la plus vraisemblable. Il s’agirait d’un syndrome de non réceptivité aux androgènes (i) non réceptivité n’intéressant que partiellement le gonophore, mais intéressant le sinus uro-génital de la vie intra-utérine (d’où le développement périnéal entièrement féminin), la peau et le système pileux au moment de la puberté (il faut remarquer cependant que dans 1/3 des cas environ, une pilosité pubienne de type féminin se développe.) Dans ces conditions, sous l’influence des stimulines hypophysaires le testicule fonctionne, mais seuls peuvent se manifester les effets de sa sécrétion oestrogénique, qu’elle soit masculine normale ou augmentée, l’anomalie “tissulaire” expliquant également le développement de seins parfaits esthétiquement, mais uniquement galactophoriques.

WILKINs, NELSON et SEGAL ont avancé l’hypothèse que les mères des sujets atteints transmettaient, pendant la grossesse, un anticorps anti-testiculaire ; cette hypothèse n’a pas, jusqu’à présent, été démontrée.
Il faut encore citer parmi les anomalies de la détermination sexuelle à morphologie génitale féminine, l’Hyperplasie Lipoïdique Congénitale des Surrénales, que nous n’avons pas fait figurer sur le Tableau II en raison de son extrême rareté.

Nous devons à PRADER la description de cette anomalie. Il s’agit de nourrissons dont l’aspect génital externe est absolument féminin, avec un vagin court, en cul-de-sac, et pas d’utérus. Ils sont vus dans les premiers jours ou dans les premières semaines de la vie pour des vomissements, de la diarrhée avec un état de collapsus traduisant une insuffisance surrénale aiguë (comme dans le syndrome de DEBRÉ-FIBIGER); tous ces enfants sont morts dans la première année de la vie, l’autopsie montrant l’hyperplasie surrénale lipoïdique et la présence de testicules ectopiques. Au point de vue pratique, on retiendra que devant un tableau de toxicose “ ou de “ sténose du pylore “ chez un nourrisson d’aspect féminin, si l’ionogramme urinaire montre une hypernatrurie, si les troubles métaboliques ne se corrigent pas par les traitements habituels, on doit déterminer le sexe chromatinien ; celui-ci est masculin. Cette constatation affirme le diagnostic et entraîne le traitement d’urgence de l’insuffisance surrénale.

Au point de vue pathogénique, il s’agit certainement d’une anomalie congénitale de la stéroïdogénèse surrénale, dont le stade exact reste à préciser.